Chaudière Gaz, l'électronique aussi !

Publié le 1 mai 2023

Écrit par Alex

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Sur des chaudières, même anciennes, l'électronique aussi peut être capricieuse

De l'électronique dans une chaudière ?

Tout commence avec une amie de Julie, qui lui avoue prendre parfois des douches froides et se chauffer avec des "bains d'huile". Idem pour tous les colocataires de cet habitat partagé (colocs, mais propriétaires...) du Nord-Finistère. Elle lui explique que leur chaudière est en panne et que d'après le réparateur il s'agit de la carte électronique, et il faut donc changer la chaudière...
Il paraissait évident pour Julie (et moi) qu'il fallait y jeter un coup d'oeil. L'amie, elle, ne veut pas déranger. Mais vers la fin d'un hiver (presque) sans chaudière, elle se laisse convaincre et nous invite à venir ausculter la bête.

Il faut faire du sport pour ausculter une chaudière
Il faut faire du sport pour ausculter une chaudière

Il s'agit d'une chaudière Chaffoteaux & Maury, modèle Niagara Delta. C'est un truc assez ancien, à gaz, mais qui à quand même une carte électronique de contrôle.
La chaudière de mes parents, qui aurait pu fêter ses 30 ans, n'en avait pas (mais elle était sacrément capricieuse).

Ces systèmes fonctionnent a peu près tous sur le même modèle. Comme votre four, votre lave-linge, sèche-linge, ou tout autre matériel électroménager. Une carte électronique avec un petit microcontrôleur vient piloter divers relais pour actionner ou non des éléments. Pour votre four, ce microncontrôleur vient faire de l'affichage (température, temps, etc...), reçoit les températures de différents capteurs (des thermocouples, souvent), et vient "actionner" des résistances et ventilateurs (pour la chaleur tournante), pour chauffer le tout. C'est simple, et efficace.

La carte électronique de la chaudière
La carte électronique de la chaudière

Pour "actionner" une résistance de 2000W à partir d'un microcontrôleur alimenté en 5V DC, il nous faut un petit truc intermédiaire. Souvent, c'est un relais mécanique. Alimenté en 5, 12 ou 24VDC, il vient, grâce à la force magnétique d'une bobine, fermer ou ouvrir un contact, qui lui, s'occupe des 2000W.

Dans une chaudière, le principe est le même : on trouve un, ou plusieurs capteurs (de températures, de vitesse de ventilateur (important ici), de pression, d'arrivée de Gaz, etc...). La carte électronique s'occupe d'agencer le tout, pour lancer le chauffage, et/ou l'eau chaude, quand on en a besoin. Ça, c'est quand ça marche.

Le Cas d'une Chaffoteaux & Maury

De quelle panne parle-t-on

Dans notre cas, vous vous en doutez, ça ne marche pas. Erreur 24, nous dit la chaudière. Problème de ventilation, nous dit la notice (on y reviendra).

Éléments clés du problème, et qui nous permettent d'orienter fortement le diagnostic :

  • Elle se lance de façon aléatoire (dans la coloc, c'est le moment ou tout le monde prend sa douche, sans interruption, pour surtout éviter qu'elle fasse une pause, et ne reparte plus !).
  • Le chauffagiste est intervenu : ce serait le pilotage de vitesse du ventilateur, et ça viendrait de cette carte électronique, qu'on ne peut pas réparer ("Les composants sont tout petits"). Il faudra lui dire que certains soudent des composants en taille 01005, soit 0.2mm par 0.4mm...
  • Ledit chauffagiste n'a pas remplacé le ventilateur, mais il n'y croit pas trop (et il avait raison).

Avec ces éléments, sans avoir encore vu la bête, on commence à chercher un maximum d'infos en ligne. Ce n'est pas une fois devant qu'on pourra faire des recherches sereinement.

Trouver des infos, des sources, des pistes

Google est notre allié ici. Je commence par taper l'identifiant de la carte: 1308006D-TW. Quelques cartes à vendre, et pas mal de sujets de forum... Ça commence ! Vous pensiez être seul à vous morfondre sous votre douche froide avec cette chaudière en panne ? Internet vous prouve que vous êtes une pelletée ! Je fais le tri. Lesquels on la même erreur (24), y'a-t'il aussi un côté aléatoire ? Quelle a été la solution ?

  • D'aucuns parlent de ventilateur "grippé". On le sent en le faisant tourner à la main. Un coup de WD40 à résolu le problème. Je note ! Ce sera à tester.
  • Beaucoup parlent du "Pressostat". Une sorte de sonde de différence de pression, qui permet de s'assurer que les gaz d'échappement sont évacués, plutôt que de ressortir par où ils ne devraient pas. Là aussi une méthode de test est proposée. On va tenter le coup.
  • Certains ont fait remplacer la carte électronique... On est là pour éviter ça : suivant !
  • Un dernier parle d'un relais qui contactait mal avec le temps. Photos à l'appui, il démontre que de l'oxydation est venue se mettre sur les contacts en cuivre. Ma foi, ça peut. Ça parait simpliste, mais ça peut.

Un relais, ça vieillit, il paraît

Plein de relais, partout !

On vous le disait, les relais électromécaniques, c'est le graal de l'électroménager. La chaudière n'y échappe. Après inspection et démontage, il doit y en avoir une dizaine, de relais. Des courts, des longs, des simples, des doubles, normalement ouverts ou fermés.

Et ces relais, donc, vieillissent. Il peuvent ne plus fonctionner, du tout. Ou comme ce gars nous l'a dit sur le forum, ça peut être un peu plus aléatoire. Allons bon.

Comment on test un relais ? Des relais, il n'y en a pas sur les cartes mères de Mac...

Tester un relais

Un relais, c'est donc une bobine qui crée un champ magnétique pour faire bouger une lame de cuivre qui vient faire contact. Idéalement, on le teste avec une alimentation stabilisée, dite aussi "alim de labo". Oui, ce truc que vous utilisiez en TP de Physique et auquel vous n'avez pas toujours tout compris (non, pas l'oscilloscope, ça c'est l'autre...). Plus simple, ça peut se tester avec une pile 9V (les cubiques), si la tension du relais est assez basse.

On le branche, on l'alimente, côté bobine. On doit entendre un clic (c'est bon signe). Puis on mesure la résistance sur les autres broches. Elle doit passer de très très haut à 0, juste au moment du clic, et inversement.

On notera que c'est le cas pour un relais normalement ouvert. Pour un modèle de relais normalement fermé, c'est le contraire. Ou vous laisse faire les recherches sur le modèle que vous avez entre les doigts.

C'est donc ce à quoi je m'attèle. Après avoir ausculté la bête (je parle de la chaudière), après avoir posé plein de question à la coloc, après avoir regardé le carte avec un air réfléchi (toujours faire ça, ça donne de l'importance), je demande l'autorisation d'emmener la carte à la maison. Je vais pouvoir désouder puis tester le relais hors-circuit, ce qui réduira le risque de griller autre chose (en branchant l'alim à l'envers sur le circuit, par exemple).

Mon air sérieux quand j'examine la chaudière
Mon air sérieux quand j'examine la chaudière

Remplacer un relais

Désoudage, "testage". Ça clique. Ça clique, mais le multimètre n'a pas l'air de dire que ça fait 0 Ohm. Il nous indique parfois un fantaisiste 160 Ohms, d'autres fois on est de l'ordre de 800 kOhms (beaucoup trop), parfois un petit 10, 20 Ohms par là. Non, ça ne le fait pas. Je change les pointes de test du multimètre, des fois que j'ai un faux contact. Idem. Je soude des fils pour les pinces avec une pince croco. Pareil ! C'est peut-être ça finalement. Ça paraît presque trop évident.

Les tests au multimètre
Les tests au multimètre

Je m'en vais commander un nouveau relais. Je tâche de faire vite. Les colocs sont passés de "douche chaude quand on peut", à "douche froides tous les jours", et c'est sur moi que ça repose. Évidemment, il est introuvable. Un HongFa HF32FA/024 HSL1. 24VDC d'un côté, 220VDC de l'autre, en format réduit. Introuvable dans un délai raisonnable. Je finis par chercher quelque chose de similaire, et jette mon dévolu sur un modèle avec la même taille et les mêmes caractéristiques. Trouver un remplaçant était presque aussi difficile que de trouver la panne...

Commandé dimanche, livré mardi, et aussitôt testé. Il clique aussi, mais affiche bien 0.05 Ohms au multimètre, à tous les coups. Pas comme son pote de 10 ans de plus, qui fait un peu ce qu'il veut... Je soude, et on remontera le lendemain (mercredi, pour ceux qui suivent...).

ET BIM ! Auparavant, après un reset, une fois sur 10, (voir plus), on avait de l'eau chaude. Là, ça démarre, tout le temps et quelque soit le conditions. En gros, ça marche.

D'autres pannes possibles ?

Il existe de nombreuses autres pannes possibles sur la base de cette erreur 24. En premier lieu, il convenait d'en éliminer un maximum : ventilateur, pressostat, joint de bouche d'évacuation, évacuation bouchée, etc... J'ai tâché de mettre de côté un maximum de ces cas, après les avoir listés en parcourant le net. À la fin, je n'avais plus tant de choses à tester.

Il en va de même pour chaque réparation. Un peu de méthode permet beaucoup.

L'attention des colocs au moment où le chauffagiste exposait ses théories a aussi été clef pour récolter un maximum d'informations ante-diagnostic.

Conclusion

L'intervention du chauffagiste reste clé. Certes, il ne sait pas forcément qu'une carte se répare, mais c'est lui qui a fait 80% du diagnostic. Ce sont les combinaisons d'informations qu'il a données, et de pannes similaires, qui ont permis d'arriver à une solution. Ici, j'ai aussi le sentiment d'avoir eu un peu de chance... En tout et pour tout, la réparation m'a pris une bonne demi-journée, et on a été remerciés de bières et d'un excellent repas. C'était top !

On saluera la persévérance des habitants de cette coloc : passer 3 mois avec un système d'eau chaude intermittent, et des chauffages d'appoint, tout ça pour refuser un changement de carte électronique sur une chaudière vieillissante, et résister aux sirènes d'une chaudière neuve. Ce sont eux les héros de cette histoire.